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LNA CÉRAMIQUE

maison 123
printemps 2025

LNA CÉRAMIQUE

LNA Céramique, c’est l’univers poétique et durable d’Elena, une céramiste franco-grecque passionnée. À travers ses créations, elle mêle l’héritage méditerranéen et l’innovation, tout en célébrant l’artisanat authentique et les valeurs du fait-main.

Vous avez grandi entre la France et la Grèce. Comment cette double culture influence-t-elle votre travail de céramiste ?

Je suis née à Athènes en Grèce et suis arrivée à l’âge de 6 ans en France. Et depuis, j’y retourne chaque été dans la maison familiale de ma grand-mère, ma Yiayia, à Nafpaktos. En plus d’être ma terre natale, la Grèce c’est aussi la mer et le soleil, et je peux dire que je suis de ces personnes qui vivent toute l’année en attendant l’été. C’est d’abord cet amour de la méditerranée qui influence mon travail de céramiste, sa chaleur, le bleu de la mer, les galets, les textures… Mais la Grèce c’est aussi sa nourriture : les grands plats familiaux, les « pita » qu’on ne pourra jamais comparer aux kebabs d’ici, les grosses salades généreuses, les gâteaux plein de miel… et forcément qui dit nourriture, dit beaux plats pour la mettre en valeur, avec des formes iconiques et des couleurs vives.
Je mélange tout ça à ma sensibilité française et Parisienne, où il y a plus de sobriété, de nuances et de raffinement, et je pense que ça donne un résultat équilibré, original et qui me ressemble.

La Grèce est connue pour sa riche histoire en matière d'artisanat et de céramique. Y a-t-il des éléments de l'héritage céramique grecque que vous intégrez dans vos créations aujourd'hui ?

C’est vrai que la Grèce est un des berceaux de la céramique : dans l’antiquité, l’esthétique grecque a largement défini l’orientation des formes générales de la céramique. Mais, s’il y a un héritage vivant de cette céramique grecque, c’est cette vaisselle qu’on retrouve dans les tavernes, dans les villages, qui se transmettent de génération en génération.
Il y a des formes et des objets que j’adore faire ! C’est le cas notamment des vases que j’aime tourner en leur donnant à chaque fois pleins de courbes différentes. J’aime aussi y ajouter des anses pour les transformer en amphores encore plus classiques. Quand j’ai commencé mes recherches de formes, j’ai tout de suite voulu trouver une forme de carafe qui me correspondrait, qui mêlerait le côté voluptueux d’un vase et le coté fonctionnel du pichet, élément central d’une table. C’est ainsi que j’ai développé mes Poulettes, ces carafes -qui peuvent aussi servir de vases- tout en rondeur, élancées avec un pli qui est souvent souligné par l’émail et qu’on a envie de toucher.
Récemment toujours sur le thème du pichet, j’ai aussi essayé de revisiter celui en aluminium dans lequel les tavernes grecques servent le vin.

lna céramique 

Vous évoquez dans vos créations l’importance du durable et de l’utile. Comment ces valeurs se retrouvent-elles dans les pièces que vous proposez ?

Chez ma Yiayia, j’ai toujours connu son service d’assiettes blanches à liserés bleu et rouge, il y en a de toutes les formes et tailles, certaines sont légèrement fissurées, mais la plupart sont toujours là et traversent les années.
Mon idéal est de créer des objets utiles pour le quotidien de chacun, avec des couleurs dont on ne se lassera pas même quand elles sont fortes, et avec une praticité dans la vie de tous les jours. L’exemple le plus parlant reste l’assiette, et c’est aujourd’hui une de mes pièces préférées, que je fais et refais : les assiettes « bords de mer ». Vient ensuite l’incontournable tasse à café qui reste l’objet du quotidien par excellence et dont j’explore les différentes facettes avec de nouveaux modèles chaque année.
J’aime penser qu’à force d’utilisation, mes pièces suscitent de l’attachement et se chargent d’histoire, de souvenirs, d’émotions…

lna céramique 

Vous avez aussi découvert la fabrication de vos propres émaux. Qu'est-ce qui vous fascine le plus dans cette recherche de recettes et comment cela fait-il écho à la tradition céramique grecque ?

J’ai commencé ma pratique avec des couleurs très simples et naturelles, des blancs, des transparents… mais les émaux viennent littéralement donner vie à vos pièces, donc effectivement j’ai très vite voulu chercher et trouver les couleurs qui me parlaient le plus. Je me suis formée auprès de Christophe Bonnard et j’ai développé mes premiers émaux. Je crois que si j’aime beaucoup la recherche de formes, j’aime encore plus la recherche de couleurs, parce que les possibilités sont infinies ! Et ce qui me fascine c’est ce pouvoir de créer ses propres couleurs. Je ne pense pas que ma recherche d’émaux fasse particulièrement écho à la céramique grecque traditionnelle, mais je pense que concernant les émaux c’est à chaque céramiste de créer son propre héritage.
Pour revenir à la Grèce, je suis naturellement allée chercher les couleurs de la mer : pour mes assiettes « vert lagon » par exemple, j’ai cet émail vert qui lorsqu’il coule en sur-épaisseur donne cette couleur bleue et créé comme un lagon, que je superpose ensuite avec un blanc brillant pour donner ces effets d’écumes et de bords de plage. La version « bleu lacté » donne l’impression d’un bain de minuit avec des couleurs plus sombres presque cosmiques.
Je suis très loin d’être arrivée au bout de mes explorations, avec la mer viennent aussi les poissons, et j’ai cette passion pour les sirènes et leurs couleurs aquatiques, magiques et envoutantes… Je suis constamment en recherche de couleurs iridescentes !

lna céramique 

En tant que céramiste, vous transmettez votre savoir-faire à travers des cours. Qu’est-ce que vous espérez transmettre à vos élèves et comment leur culture peut-elle également enrichir l’art de la céramique ?

J’ai créé avec mon amie Katya Violi un atelier dédié aux cours et à l’apprentissage de la céramique, La Fabrique du Canal, et chaque jour nous accueillons de nombreux élèves à qui nous essayons de transmettre la passion de la terre. Chacun vient avec sa culture, sa sensibilité, ses idées, son expérience, ses goûts, son bagage émotionnel aussi… et très vite on peut voir que chez chacun se dégagent des pièces différentes qui lui ressemblent. C’est assez fou comme la pratique de la céramique peut révéler une identité, ou un inconscient !